Avant, c’était prestigieux d’avoir un Master, aujourd’hui, ce n’est plus exceptionnel… Ce n’est plus un moyen de se démarquer des autres… Pourquoi ? Parce que ce n’est pas du tout une garantie de trouver un emploi. Aujourd’hui, des individus sortent donc de l’université sans savoir quoi faire. Dans certains cas, n’ayant aucun plan, et dans d’autres cas, laissant tomber leur rêve pour se diriger vers des carrières qui leur semblent accessibles, logiques. Et une fois dans le monde professionnel, beaucoup se laissent porter avec ennui dans une carrière qui ne les satisfait pas. Malheureusement, ceux qui sont passés à côté de leur vocation, se disent qu’ils sont bloqués. Ils pensent qu’ils n’ont que deux options dans la vie : être payé à faire un métier qui ne les satisfait pas ou être libre mais ne pas toucher de salaire. Et ils ont raison de penser comme cela ; mais plus pour très longtemps…

En route vers la transition des métiers

Le monde du travail est en profonde mutation. Les entreprises sont schizophrènes, coincées entre conserver leur business modèles qui les a amenées à réussir et s’adapter à un monde en mouvement… Ce constat laisse prédire deux choses fondamentales qui vont advenir dans le monde professionnel de demain. D’une part, de nombreux métiers inédits vont apparaître. 60% des jobs qui existeront dans 10 ans n’ont pas encore été inventés. On peut avoir une idée de ce qui va apparaitre, notamment sous l’influence de la révolution numérique : ‘consultant en vie privée‘ (révéler les failles de sécurité qui mettent en péril la vie personnelle, physique ou virtuelle des individus) ; ‘croque-mort digital‘ (fermer les comptes de réseaux sociaux, gérer du contenu en ligne afin de rendre les dernières volontés des individus et de leur famille, sur internet, à titre posthume) ; ‘numéropathe‘ (aider les individus techno-stressés à se déconnecter grâce à une cure de désintoxication digitale) ; etc. Ce sont des exemples parmi une multitude de possibilités… la liste est longue, et certaines sont imprévisibles à l’heure actuelle. D’autre part, de nombreux métiers vont disparaître. Parce que les technologies remplacent progressivement l’homme dans de nombreuses fonctions : techniciens en tout genre, ouvrier, mais aussi agriculteur, médecin, avocat, fonctionnaire, tour opérateur, agent immobilier, etc. Grosso modo, si un site internet, un programme informatique ou un robot peut faire votre métier, alors préparez-vous à en changer.

Le vide emploi par la mort de la pénibilité

Coincés dans cette transition des métiers, nous vivons à l’échelle mondiale ce que nous pensons être une crise. Les taux de chômage sont là pour le rappeler. Mais même si les gouvernements de nombreux pays promettent une baisse du chômage, d’après les experts du numérique, et notamment le français Gilles Babinet, cela n’arrivera pas. Car en réalité nous fonçons droit vers une ère du vide emploi. Quelque chose qui fait peur parce qu’inconnu. Que sommes-nous censés faire dans une vie où notre temps n’est plus structuré en fonction de ce que nous avons besoin de faire ? Qu’est ce que cela implique exactement ? En fait, cela veut dire que nous nous dirigeons vers une société dans laquelle la richesse ne sera plus directement créée par l’homme… Et…ce n’est pas si grave que cela… Parce que ce n’est pas l’emploi qui se vide, c’est le travail. Demain, ce sera la machine qui fera le travail, qui fera ce qui est pénible, ce qui fatigant, ce qui est insatisfaisant, et qui, a fortiori, fera le PIB, qui créera la richesse économique. Travailler, au sens étymologique du terme (en latin, « tripalium » = instrument de torture), n’aura pour l’homme plus de sens, plus de valeur, et plus d’utilité… Qu’adviendra-t-il alors de l’homme ? habitué à travailler depuis la nuit des temps ? Deviendra-t-il paresseux, oisif, désœuvré ? Si nous ne travaillons plus demain, qu’est ce qu’il nous restera (à faire) ? Il nous restera ce qu’il y a de plus humain en nous : l’intelligence, la créativité, le rêve, l’empathie, le courage, la volonté de changer le monde, la liberté et l’art…

La société de l’éclate totale ?

Raymond Kurzweil, un théoricien du transhumanisme prédit qu’ « avec l’avancée des technologies, de plus en plus d’individus auront la possibilité de consacrer leur vie à leur passion ». Nous allons enfin pouvoir faire ce qui nous passionne. Sans se poser la question de savoir si nous pouvons en vivre. Ce qui nous semble impossible aujourd’hui va devenir accessible demain. Le travail va devenir source d’épanouissement personnel. On ne parlera d’ailleurs sûrement plus de « travail »… Et le mot « emploi » retrouvera sa définition originelle : utiliser son temps et sa passion pour créer et laisser sa marque sur Terre. Le travail est mort ! Karl Marx disait : « La société idéale c’est celle où personne n’occupe une sphère d’activité exclusive mais où chacun peut s’accomplir dans le domaine de son choix… Faire une chose un jour, et complètement autre chose le lendemain ». C’est formidable, parce que cela veut dire que si, ne serait-ce qu’une fraction de la population n’est plus obligée demain de faire un travail insignifiant de 9h à 18h et qu’elle peut employer son temps à ce qu’elle aime ; alors le futur risque d’être plein d’art(s), plein de beauté, plein d’inventions et plein d’humanité. À l’évidence, certains feront ça, mais les autres profiteront seulement des inventions créées par les premiers.

Préparez-vous à la guerre des talents

Des défis inédits vont venir compliquer l’arrivée du futur de l’emploi. Si, à terme, l’avenir de l’emploi est radieux, un futur plus proche l’est beaucoup moins… La transition vers ce futur de l’emploi va être très rude. Il y a notamment deux défis éthiques inévitables auxquelles l’humanité va devoir faire face. D’abord, un défi technologique : l’Homme se rend de plus en plus dépendant des machines. Cela veut dire que les industries devront surveiller constamment ce monde dans lequel nous évoluons car ce sont elles qui vont insuffler du pouvoir aux technologies. Ensuite, un défi humain : parmi les hommes, ce sont les plus talentueux qui s’en sortiront… D’après Laurent Alexandre, médecin et prospectiviste, l’argent et l’origine sociale n’ayant plus d’importance dans un monde où la richesse économique est créée par la machine, la plus grande inégalité qui nous attend dans le siècle qui arrive, c’est l’inégalité de QI. La course à l’intelligence et aux compétences va mettre l’humanité en compétition. Le QI est le seul métrique précis et reconnu collectivement par les experts que nous possédons aujourd’hui pour mesurer l’intelligence. Cet indicateur va creuser des écarts considérables… Logiquement, il restera l’unité de mesure que l’on prendra en compte demain pour quantifier et évaluer la capacité des individus à générer de l’innovation. Mais il sera mis en perspective avec de nombreux indicateurs qualitatifs, dont le QE. Le quotient émotionnel ; que l’on analysera et que l’on apprendra à « muscler » de mieux en mieux ; grâce aux progrès des neurosciences, grâce aux progrès de la recherche sur la plasticité cognitive (notre capacité à apprendre de nouvelles choses). Tout cela est très important car c’est ce qui nous différenciera pendant encore très longtemps de la machine. Le monde de demain a fondamentalement besoin de personnes agiles, intuitives, créatives, et artistes. Ce sera vital : remettre de l’humain au centre d’une société qui devient de plus en plus numérique et technologique.

L’avènement des nomades multi-facettes

Cela peut et va devenir un facteur de stress : celui de la performance créative sans cesse renouvelée, celle de l’acquisition permanente et soutenue de nouvelles compétences. Pour toujours être plus agile, plus flexible. Pour avoir une place et une valeur, une utilité dans la société de demain. Mais heureusement, ce type de compétences (plus ‘soft’ : empathie, confiance, collaboration, créativité…) n’est pas inné. Cela s’apprend, cela s’enseigne et cela se travaille. Tout le monde peut progresser, à partir de n’importe quel niveau. Et, il faut commencer à se préparer à ce monde-là dès maintenant : muscler notre cerveau, apprendre à penser différemment et à développer de nouvelles compétences, celles prévues, mais aussi celles inattendues, car le monde change vite… De nouveaux modèles éducatifs sont en train d’émerger pour préparer et former les individus pour le futur et pour cette nouvelle ère de l’emploi. Ils vont développer et nourrir le futur de talents polymorphes, capables de s’adapter à toute situation, en collaboratif, en télétravail, etc. Car les principes de management de l’entreprise actuelle vont éclater : brisure du schéma hiérarchique traditionnel, primat de la coopération citoyenne, imposition d’un modèle régit par la responsabilité économique et sociale, développement de stratégies d’évolution en lean, mobilité géographique ou numérique, multiplication des carrières… Si nos grands parents n’ont eu qu’un seul emploi tout au long de leur vie, nos parents, deux voire trois, la génération à venir ne passera pas plus de 2 ans sur un poste. En plus de changer régulièrement de métier, on gérera aussi plusieurs activités en même temps, où progressivement vie privée et vie professionnelle vont se mêler.

Inspirations :

  • [FILM] « Bienvenue à Gattaca » de Andrew Niccol
  • [SÉRIE TV] Black Mirror, saison 1, épisode 2 : « 15 millions de mérites »
  • [ÉTUDE] Sparks & Honey : 20 jobs du futur
  • [MAGAZINE] We Demain n°7 : Ces métiers de demain qui n’existent pas aujourd’hui
  • [MAGAZINE] Socialter n°4 : Travail, l’éclate totale
  • [LIVRE] Gilles Babinet : « L’ère numérique, un nouvel âge pour l’humanité »
  • [TED] Laurent Alexandre « Nos enfants iront-ils demain dans des écoles eugénistes ? »
  • [SITE INTERNET] Singularity Hub